En cette huitième semaine du procès en appel du Mediator, l’audition des victimes a continué avant de laisser place à la procédure technique.
Les Laboratoires Servier ont à nouveau demandé une contre-expertise. Nous attendons la position de la Cour qui se prononcera la semaine prochaine.
Retrouvez le compte-rendu de Maître Jean-Christophe Coubris, avocat des victimes de complications graves suite à la prise de Mediator sur la 8ème semaine du procès en appel des Laboratoires Servier et de Monsieur Seta.
Mediator - Procès en appel - résumé de la huitième semaine
Voilà bientôt deux mois que ce procès a débuté et nous pouvons en tirer quelques enseignements. Le président et ses conseillers de la Cour ont une parfaite connaissance de ce très volumineux dossier, tant sur l’aspect technique, que sur l’aspect humain.
Nous avons pu apprécier l’accueil qu’a réservé la Cour à toutes ces courageuses victimes qui se sont succédées à la barre.
Madame et Monsieur les avocats généraux représentant le parquet et qui sont donc en charge de défendre la société, y consacrent toute leur énergie et leur compétences pour mener à bien cette délicate mission.
Les avocats des parties civils, nous nous sommes mis en ordre de bataille, afin de mener ce nouveau combat contre les Laboratoires Servier et Monsieur Seta.
Nos confrères les avocats de la défense, ils sont dans leur rôle et on ne peut pas vraiment leur reprocher de tenter de défendre, l’indéfendable.
Les prévenus, eux ont prononcé à plusieurs reprises leur regret, sincère ou pas.
Mais la stratégie a le mérite d’être plus claire devant la Cour d’appel :
Ouvrez les guillemets « nous nous sommes trompés, mais nous n’avons pas trompé ».
Une nouvelle version de responsable mais pas coupable.
Vous les victimes, toujours aussi incroyablement patientes, pour celles qui sont présentes aux audiences, votre attitude est remarquable, toujours respectueuses du bon déroulement en taisant votre colère, courageusement.
Je remercie aussi les journalistes, peu nombreux à mon grand regret, et avec une pensée à Virginie qui suit ce procès depuis les premiers jours et qui a été victime malheureusement en fin d’audience lundi d’un accident hémorragique grave.
Je lui adresse mes meilleures pensées de bon rétablissement.
Aux greffières toujours vaillantes et disponibles pour s’assurer du bon déroulé de la procédure.
Remerciement également, tout particulier, à toutes les bénévoles de l’association de victimes qui accueillent tous les jours nos parties civils et qui font preuve d’une compassion admirable.
Très sincèrement, je suis fier de notre système judiciaire.
Mediator : ultime demande de contre-expertise par les avocats des Laboratoires Servier
Mais revenons à cette semaine qui a été l’occasion d’entendre d’autres victimes, d’autres souffrances, d’autres pleurs.
Après ce temps consacré à la parole des victimes, le retour à la procédure technique a été brutal. Nous avons subi une longue plaidoirie de plus de deux heures trente de l’un de mes confrères de la défense pour tenter de convaincre la cour de lui accorder une contre-expertise.
C’est leur cinquième tentative, tout de même, depuis 2010 qui d’ailleurs toutes se sont soldées par un échec.
Les Laboratoires Servier et Monsieur Seta estiment qu’ils ont été privés d’un procès équitable au motif qu’il n’y a pas eu de débat contradictoire scientifique.
Un avocat a le droit de mentir et parfois il en a même le devoir. Et c’est vrai que pour défendre la cause des Laboratoires Servier, il vaut mieux savoir pratiquer la mauvaise foi à l’extrême.
J’ai rappelé à la cour les centaines de pages de rapports d’expertise qui ont été versées au débat, et longuement discuté dans le cadre de l’instruction. Des centaines d’études, d’analyses qui ont été produites par les Laboratoires Servier qui ont dépensés sans compter pour se défendre. Plus de 500 000 euros de frais d’honoraires pour faire venir une légion de sachants, afin de défendre la cause Servier.
Des dizaines d’heures d’auditions en première instance et encore maintenant devant la Cour d’appel. Et on ose nous dire qu’il n’y a pas eu d’échanges scientifiques ?
Alors c’est vrai, il n’y a pas eu de contre-expertise ordonnée par le juge d’instruction, mais tout simplement parce que le débat scientifique a été parfaitement purgé par l’excellent travail des experts judiciaires.
Finalement la problématique est moins complexe qu’il n’y paraît.
Nous avons un soi-disant médicament qui n’apporte aucun bénéfice pour les diabétiques, et nous avons la certitude de sa toxicité, même Servier le reconnaît aujourd’hui.
Ce sont les Laboratoires Servier qui en versant des centaines d’articles, d’avis scientifiques qui ont voulu étouffer la vérité.
La réalité, elle est beaucoup plus simple. Sur le sacro-saint principe de la balance bénéfice risque, il n’y a pas photo. Aucun bénéfice d’un côté et des risques mortels de l’autre.
Jamais ce coupe-faim n’aurait dû poursuivre sa vie commerciale après 1997.
Et comme rien ne fait peur aux Conseils des Laboratoires Servier, ils vont soutenir que le délai de ce procès est raisonnable.
10 ans d’instructions. 10 ans de recours des Laboratoires Servier.
Il faut quand même se rappeler qu’ils ont saisi 14 fois la Cour de cassation !
Tout a été mis en œuvre pour retarder l’échéance, pour freiner la justice, et cette ultime tentative est de la même veine.
Les Laboratoires ignorent vos cris de douleurs, votre soif de justice, votre volonté bien légitime de vouloir en terminer.
Et pour certains, votre espoir de pouvoir atteindre la fin du procès.
Parce que la vérité elle est là. Le week-end dernier encore, l’un d’entre vous est décédé, son cœur s’est arrêté.
Sa pathologie cardiaque a gagné.
Toutes mes pensées vont vers sa famille.
Les laboratoires Servier devront rendre des comptes pour tous ces morts dont ils sont les seuls responsables.
Nous aurons d’ici quelques jours la position de la Cour qui se prononcera très probablement lundi prochain à 13h30, et sincèrement je ne suis pas inquiet.
Ils devraient rejeter cette demande de contre-expertise.
AFSSAPS - « des pertes de mémoire très sélectives ... »
Le dernier jour de cette semaine a été consacré à l’audition de Responsables d’Agences du médicament.
Monsieur Bertini Malgarini, de l’agence du médicament italienne, nous a rappelé qu’ils furent l’un des premiers à alerter l’agence européenne et les Laboratoires Servier dès 1998, faisant constater la similitude du Mediator et de l’Isoméride.
Nous avons entendu également Madame Casto, chef d’unité de pharmacovigilance de l’AFSSAPS.
L’AFSSAPS, c’est notre agence du médicament durant la période de 1994 à 1999.
Elle était la représentante du gendarme du médicament. On comprend assez vite pourquoi rien n’a été fait durant toute cette période.
A priori, cette personne n’a aucun reproche à se faire.
Sur question du président l’interrogeant sur d’éventuelles erreurs et à quel moment elle pourrait dater ses erreurs, elle va répondre après un long moment silencieux qu’il lui semblait difficile de reconnaître des erreurs patentes.
Cette personne avait le pouvoir de déclencher la procédure de suspension du Mediator.
Cette personne avait l’information des quelques cas de valvulopathie et d’hypertension artérielle, mais pas suffisamment dit-elle pour agir.
Il n’y avait pas assez de morts à ce moment-là ?
Par son ignorance, par sa couardise, par son silence et peut-être par sa complicité, elle a contribué à la survie du Mediator et au décès de beaucoup trop de victimes.
Non seulement, elle ne présentera aucune excuses aux victimes, mais pire, elle évoquera sa propre souffrance. Je cite : « je suis toujours meurtri ».
Bien, les victimes aussi le sont, et bien plus.
Difficile d’entendre, et pour la deuxième fois en plus, pareil témoignage qui a aussi cette particularité d’évoquer des pertes de mémoire très sélectives.
L’Agence du médicament a été condamnée en première instance pour sa négligence et son jugement est définitif.
Devant la Cour d’appel, il s’agit seulement du procès des Laboratoires Servier, de Monsieur Seta et c’est déjà largement suffisant.
Je vais vous dire à la semaine prochaine et je reste dans l’attente, très sereine, de la position des magistrats.
À bientôt
Ressource audio liée
Semaine 8 – Me Jean-Christophe Coubris – Procès Mediator 
YouTube – 02/03/2023
Procès Mediator – Semaine 8 – 01.03.23
Audio de Me Jean-Christophe Coubris sur le procès Mediator
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« Les laboratoires Servier devront rendre des comptes pour tous ces morts. »
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